Ecrire pour exister

Écrire pour exister


J'ai cette tablette qui dort depuis cinq ans...


Aujourd'hui cette tablette obsolète me fait penser aux plumes de ma grand-mère que j'ai dans une boîte et que je n'ai jamais vraiment utilisées pour écrire. Si ce n'est que ces plumes ne perdent pas en capacité d'écriture avec le temps. Elles ont plus de soixante ans et pourront toujours, avec un peu d'encre, écrire des histoires.

Mais il est trop long, trop difficile de les utiliser pour s'installer et écrire une phrase à la fois.

Ça me fait penser à une chose que mon psy m'a conseillée à une époque. Je lui avais confié que j'aimais écrire. Il m'a demandé avec quoi j'écrivais et ce que je ressentais quand je m'exprimais sur le papier.

Je lui ai dit que la plupart du temps, j'écrivais avec un stylo à bille, que ça me permettait d'écrire presque aussi vite que mes pensées, mais que souvent, il m'était presque impossible de me relire.

Son conseil avisé fut simple : "Achète-toi une plume, un beau stylo, que tu vas garder et dédier à ton écriture. Il te ralentira, t'obligera à réfléchir à ce que tu écris, et à bien écrire, pour que tu puisses te relire et éventuellement même laisser quelqu'un apprécier tes histoires."

Alors que j'apprenais à taper à l'ordinateur à l'école et à écrire encore plus vite qu'avec un stylo à bille, j'ai pris mes économies, quarante-trois euros, et je suis allé chez le libraire qui vendait des beaux stylos à plumes. Même avec toute ma fortune, je n'ai pu acheter qu'un stylo argenté, mais il était toute ma vie et il devint mon meilleur ami pendant bien des années.


J'ai tout de suite senti la différence. J'ai vu mes pensées se mettre en ordre avant de pouvoir s'étaler sur le papier. C'est à cette période que j'ai compris que l'écriture me rendrait heureux un jour.


Mais un jour de voyage en train, presque dix ans après avoir acheté mon stylo, je l'ai perdu. Sans doute a-t-il glissé de ma poche au moment où j'ai sorti mon smartphone pour envoyer un message à un ami.

Je pouvais toujours écrire avec un bic, un téléphone ou un ordinateur, mais je n'ai jamais retrouvé cette sensation avec un stylo plume Watterman.

J'ai écrit des milliers de lignes depuis sur des ordinateurs, et à chaque fois je pense à mon stylo perdu.

J'espère qu'une autre âme écrit avec.

Aujourd'hui, ces lignes s'affichent péniblement sur l'écran. La tablette va moins vite que mes pensées qui se mettent à la file indienne en attendant de pouvoir apparaître.

Je me dis que cette tablette que j'ai achetée pour rien il y a quelques années pourrait faire le travail de mon stylo de l'époque.

Un outil vieux et fatigué, mais de bonne qualité, simple, efficace mais un peu lent. Compact. Une bibliothèque de livres et un journal d'écriture.

Est-ce que je pourrais enfin finir mes livres en écrivant plus lentement ? Je pense bien. Pourquoi ? Parce qu'à force d'écrire rapidement sur des ordinateurs, je n'ai plus cette sensation que chaque minute compte.

Je pense avoir enfin trouvé un nouveau compagnon de route.